LE GRAND SILENCE
THE GREAT SILENCE
Printemps 2020. Un virus (le Covid-19) met la planète à l’arrêt et impose un confinement quasi mondial. C’est le grand silence, une pause inattendue dans le grand vacarme des hommes. Confinés dans notre fort intérieur, il est temps de se regarder en face, et pour beaucoup l’heure est à la réflexion et plus encore, à l’introspection. On se met à rêver d’un autre monde, on espère changer de paradigme, on aspire à tirer les leçons de nos erreurs passées, on formule de nouvelles espérances. Surtout, l’immobilité forcée bouleverse notre géographie intérieure. On se met à rêver de la campagne, et entre les murs, on manque soudainement de nature, on parle de se reconnecter, de retrouver l’essence des choses, l’essentiel. Il paraît qu’on n’a jamais autant entendu chanter les oiseaux. Mais pourquoi avoir tant attendu ?
La question est de savoir de quelle nature voulons-nous ? Plus qu’un besoin de campagne, c’est d’abord le désir de fuir les zones urbaines dans lesquelles l’humanité s’agglutine toujours davantage. Nous aspirons certainement plus à un décor (de préférence baigné de soleil), celui de notre temps libre, qu’à la campagne proprement dite. Car dans les faits, nos territoires profonds se vident, de leurs hommes et de leurs services, et pour certains la question de l’après est posée depuis longtemps déjà. Je ne sais pas ce qu’il faut vraiment en penser, ce que je sais en revanche c’est que ce n’est pas de cette nature-là dont nous rêvons. Ma géographie intérieure est faite de ces paysages silencieux que je sillonne depuis des années, tel un confiné des confins.
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Spring 2020. A virus (the Covid-19) stops the planet and imposes a quasi-global lockdown. It is the great silence, an unexpected pause in the big commotion of men. Confined to our internality, it is time to face each other, and for many the time is for reflection and even more for introspection. We begin to dream of another world, we hope to change paradigm, we aspire to learn from our past mistakes, we formulate new hopes. Above all, forced immobility disrupts our inner geography. We start dreaming about the countryside, and between our walls, we suddenly lack nature, we talk about reconnecting, about rediscovering the essence of things, the essential. It seems that we have never heard birds sing so much. But why have we waited so long?
The question is what kind of nature do we want? More than a need for the countryside, it is first of all a desire to flee from urban areas in which humanity is becoming increasingly concentrated. We certainly aspire more to a decor (preferably bathed in sun), that of our free time, than to the countryside itself. Actually, our deep territories are being emptied, of their men and of their services, and for some the question of the day after has long been asked. I don’t know what to really think, but what I do know is that this is not the kind of thing we’re dreaming of. My inner geography is made up of these silent landscapes that I have been criss-crossing for years, like a confined man in the confines.
THE GREAT SILENCE
Printemps 2020. Un virus (le Covid-19) met la planète à l’arrêt et impose un confinement quasi mondial. C’est le grand silence, une pause inattendue dans le grand vacarme des hommes. Confinés dans notre fort intérieur, il est temps de se regarder en face, et pour beaucoup l’heure est à la réflexion et plus encore, à l’introspection. On se met à rêver d’un autre monde, on espère changer de paradigme, on aspire à tirer les leçons de nos erreurs passées, on formule de nouvelles espérances. Surtout, l’immobilité forcée bouleverse notre géographie intérieure. On se met à rêver de la campagne, et entre les murs, on manque soudainement de nature, on parle de se reconnecter, de retrouver l’essence des choses, l’essentiel. Il paraît qu’on n’a jamais autant entendu chanter les oiseaux. Mais pourquoi avoir tant attendu ?
La question est de savoir de quelle nature voulons-nous ? Plus qu’un besoin de campagne, c’est d’abord le désir de fuir les zones urbaines dans lesquelles l’humanité s’agglutine toujours davantage. Nous aspirons certainement plus à un décor (de préférence baigné de soleil), celui de notre temps libre, qu’à la campagne proprement dite. Car dans les faits, nos territoires profonds se vident, de leurs hommes et de leurs services, et pour certains la question de l’après est posée depuis longtemps déjà. Je ne sais pas ce qu’il faut vraiment en penser, ce que je sais en revanche c’est que ce n’est pas de cette nature-là dont nous rêvons. Ma géographie intérieure est faite de ces paysages silencieux que je sillonne depuis des années, tel un confiné des confins.
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Spring 2020. A virus (the Covid-19) stops the planet and imposes a quasi-global lockdown. It is the great silence, an unexpected pause in the big commotion of men. Confined to our internality, it is time to face each other, and for many the time is for reflection and even more for introspection. We begin to dream of another world, we hope to change paradigm, we aspire to learn from our past mistakes, we formulate new hopes. Above all, forced immobility disrupts our inner geography. We start dreaming about the countryside, and between our walls, we suddenly lack nature, we talk about reconnecting, about rediscovering the essence of things, the essential. It seems that we have never heard birds sing so much. But why have we waited so long?
The question is what kind of nature do we want? More than a need for the countryside, it is first of all a desire to flee from urban areas in which humanity is becoming increasingly concentrated. We certainly aspire more to a decor (preferably bathed in sun), that of our free time, than to the countryside itself. Actually, our deep territories are being emptied, of their men and of their services, and for some the question of the day after has long been asked. I don’t know what to really think, but what I do know is that this is not the kind of thing we’re dreaming of. My inner geography is made up of these silent landscapes that I have been criss-crossing for years, like a confined man in the confines.