WINTER IS (NOT) COMING
Fin octobre 2018, les médias témoignent en masse de l’arrivée de la neige dans les zones montagneuses du pays. Dans les volcans endormis du centre de la France, d’altitude moyenne, ces chutes sont de bon augure : va-t-on vivre un hiver enneigé ? Quelques jours plus tard, tout a fondu. J’entreprends alors de dérouler le fil de l’hiver, de manière chronologique, au hasard des lieux. La neige ne refera une apparition sérieuse que trois mois plus tard, fin janvier. Entre-temps, le givre a fait de son mieux pour préparer le paysage, mais la neige ne s’est fait que trop attendre. Deux, peut-être trois semaines pleinement enneigées, tout au plus, voici ce que l’hiver a consenti à donner. Il a surtout offert une succession lancinante de redoux, après de maigres et furtives offensives du froid, quelques flocons ça et là, pour finir, comme par ironie, par un ultime assaut début mai. Trop tard, bien trop tard. L’hiver a duré, mais il n’a pas tenu ses promesses, un de plus.
Dans les montagnes d’Auvergne, l’hiver s’étiole. Il y a comme une anomalie dans ces paysages hivernaux qui sont de plus en plus souvent presque dépourvus de neige. Les hivers deviennent plus doux que véritablement froids, les lacs ne gèlent plus autant, le manteau blanc se fait plus lacunaire et plus éphémère : le pays n’est plus aussi lumineux, il s’assombrit. On compte les jours noirs, ces jours où le ciel semble s’être fracassé sur la terre, au point que le soleil même paraît ne pas s’être levé. Je ne peux m’empêcher de percevoir malgré tout une certaine beauté dans cette mélancolie de l’absence. On s’étonnait presque de voir de la neige fin octobre, cela fait redouter le jour où l’on s’étonnera de voir de la neige tout court.
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At the end of October 2018, mass media reports of the arrival of snow in mountainous areas of the country. In the old volcanoes of central France, of medium altitude, these falls are good omens: will we live a snowy winter? A few days later, everything melted down. I then began to unfold the course of winter, chronologically, at random places. The snow will not make a serious appearance until three months later, at the end of January. Meanwhile, the frost did its best to prepare the landscape, but the snow was lacking too long. Two, maybe three weeks full of snow, at the most, this is what winter has agreed to give. Above all, he offered a throbbing succession of redouxes, after thin and stealthy offensive of the cold, a few snowflakes here and there, to finish, as if by irony, by a final assault at the beginning of May. Too late, much too late. The winter lasted, but he did not keep his promises, once more.
In the mountains of Auvergne, winter fades. There is an anomaly in these winter landscapes, which are increasingly almost snow-free. The winters become milder than truly cold, the lakes no longer freeze as much, the white mantle becomes more defiant and more ephemeral: the country is no longer as bright, it darkens. We count the dark days, those days when the sky seems to have shattered on the earth, to the point that the sun itself seems not to have risen. I cannot help but perceive a certain beauty in this melancholy of absence. We were almost surprised to see snow at the end of October, it makes us dread the day when we will be surprised to see snow all
Fin octobre 2018, les médias témoignent en masse de l’arrivée de la neige dans les zones montagneuses du pays. Dans les volcans endormis du centre de la France, d’altitude moyenne, ces chutes sont de bon augure : va-t-on vivre un hiver enneigé ? Quelques jours plus tard, tout a fondu. J’entreprends alors de dérouler le fil de l’hiver, de manière chronologique, au hasard des lieux. La neige ne refera une apparition sérieuse que trois mois plus tard, fin janvier. Entre-temps, le givre a fait de son mieux pour préparer le paysage, mais la neige ne s’est fait que trop attendre. Deux, peut-être trois semaines pleinement enneigées, tout au plus, voici ce que l’hiver a consenti à donner. Il a surtout offert une succession lancinante de redoux, après de maigres et furtives offensives du froid, quelques flocons ça et là, pour finir, comme par ironie, par un ultime assaut début mai. Trop tard, bien trop tard. L’hiver a duré, mais il n’a pas tenu ses promesses, un de plus.
Dans les montagnes d’Auvergne, l’hiver s’étiole. Il y a comme une anomalie dans ces paysages hivernaux qui sont de plus en plus souvent presque dépourvus de neige. Les hivers deviennent plus doux que véritablement froids, les lacs ne gèlent plus autant, le manteau blanc se fait plus lacunaire et plus éphémère : le pays n’est plus aussi lumineux, il s’assombrit. On compte les jours noirs, ces jours où le ciel semble s’être fracassé sur la terre, au point que le soleil même paraît ne pas s’être levé. Je ne peux m’empêcher de percevoir malgré tout une certaine beauté dans cette mélancolie de l’absence. On s’étonnait presque de voir de la neige fin octobre, cela fait redouter le jour où l’on s’étonnera de voir de la neige tout court.
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At the end of October 2018, mass media reports of the arrival of snow in mountainous areas of the country. In the old volcanoes of central France, of medium altitude, these falls are good omens: will we live a snowy winter? A few days later, everything melted down. I then began to unfold the course of winter, chronologically, at random places. The snow will not make a serious appearance until three months later, at the end of January. Meanwhile, the frost did its best to prepare the landscape, but the snow was lacking too long. Two, maybe three weeks full of snow, at the most, this is what winter has agreed to give. Above all, he offered a throbbing succession of redouxes, after thin and stealthy offensive of the cold, a few snowflakes here and there, to finish, as if by irony, by a final assault at the beginning of May. Too late, much too late. The winter lasted, but he did not keep his promises, once more.
In the mountains of Auvergne, winter fades. There is an anomaly in these winter landscapes, which are increasingly almost snow-free. The winters become milder than truly cold, the lakes no longer freeze as much, the white mantle becomes more defiant and more ephemeral: the country is no longer as bright, it darkens. We count the dark days, those days when the sky seems to have shattered on the earth, to the point that the sun itself seems not to have risen. I cannot help but perceive a certain beauty in this melancholy of absence. We were almost surprised to see snow at the end of October, it makes us dread the day when we will be surprised to see snow all