CÉCILE, CUEILLEUSE DE PENSÉE
Il arrive que l’on choisisse le lieu où l’on vit, mais parfois ce sont les lieux qui vous choisissent. Un voyage par la pensée sur les terres de l’enfance.
Après une première vie pleine de chiffres et de bilans, trente années de comptabilité dans la ville de Clermont-Ferrand, Cécile Ladevie a décidé de changer de vie et de se former à la cueillette des plantes : elle a commercialisé ses premières tisanes en 2019. Ce virage l’a conduite à reprendre les doux chemins de l’enfance. Aujourd’hui cette ancienne citadine habite à Rentières, un petit village juché à flanc de falaise qui domine une vallée escarpée, la vallée de Rentières, creusée par la Couze d’Ardes dans la bordure orientale du Cézallier. C’est là-haut, sur les monts recouverts de steppes herbeuses du Cézallier, que cette belle rivière prend sa source. Rentières, là où les parents de Cécile possédaient une résidence secondaire. Rentières, tout proche du village d’Ardes, un peu plus bas dans la vallée, où elle se rappelle les parties de pêche avec son grand-père paternel, dont la réputation de pêcheur de truite émérite était connue de tout le canton, et la cueillette des champignons. Rentières et sa petite église, dont un curé amoureux de botanique, l’abbé Vray, a fait peindre des fleurs sur les murs, il y a un siècle environ. Ce même curé qui aura quelques ennuis pour exercice illégal de la médecine : en janvier 1908, le syndicat des pharmaciens et celui des médecins lui tombent sur le dos et lui réclament mille francs de dommages et intérêts chacun. L’ecclésiastique avait eu le malheur d’avoir voulu soulager les maux de quelques-uns de ses fidèles à l’aide de plantes…
Le Cézallier est tout proche, il suffit de remonter la vallée de Rentières pour déboucher sur les hautes steppes. Cécile a l’impression d’y avoir passé toutes ses vacances scolaires, entre explorations en tout genre et parties de pêche. Elle y a même appris à faire du ski, dans la petite station de Parrot, quand il y avait encore des remontées mécaniques. Faute de neige en quantité suffisante, les remontées ont disparu, mais l’ancienne comptable y tient le poste d’accueil l’hiver (locations de raquettes et de vélos, informations pour les touristes), pour la commune d’Anzat-le-Luguet, en complément de son activité autour des plantes. Anzat-le-Luguet, village où Olympe, sa grand-mère maternelle, était boulangère. Cécile se rappelle qu’Olympe lui faisait souvent tremper les mains (les mains d’enfant, toujours affairées et écorchées quand l’enfant vit dans la nature le plus clair de ses journées) dans des décoctions dont elle avait le secret, à base de mauve et de pensée notamment, aux propriétés dépuratives. De cette aïeule savante des plantes, Cécile a gardé un ouvrage précieux, où elle trouve des idées pour utiliser les plantes qu’elle ramasse : « Nos grands savaient… », le bien nommé.
La vallée de Rentières fournit à cette cueilleuse l’essentiel des simples qu’elle affectionne : l’ail des ours, la sauge des prés, la consoude, le lierre terrestre, la reine des prés, l’ortie, l’aspérule odorante, la primevère élevée, l’origan, la mauve, l’achillée millefeuille, le sureau, le tilleur, l’aubépine… Cécile ne cueille que 25 espèces différentes, c’est peu. Il ne s’agit pas d’une course à la quantité, les chiffres elle a déjà donné, mais plutôt d’une recherche de qualité. Mais c’est dans le Cézallier que l’herboriste cueille une fleur qu’elle affectionne particulièrement : la pensée sauvage. Il y a d’abord le plaisir de la cueillette, au son des grillons et des alouettes. Pour cette femme éprise de nature, on l’aura compris, le lieu où elle récolte est tout aussi important que la plante. Et puis la pensée est l’éloge de la lenteur, il faut du temps pour la cueillir, on la ramasse fleur par fleur, délicatement. Elle est de plus riche en eau : 300 g de fleurs fraîches ne donneront que 30 g de matière sèche. C’est beaucoup moins que les autres plantes, si bien que presque personne ne la ramasse. La pensée est pourtant connue pour ses effets bénéfiques sur la peau : en plus des tisanes, Cécile confectionne des savons à partir d’huile solarisée, qui laisse la peau soyeuse comme un pétale, douce comme une peau d’enfant.
A consulter : accueillette.fr
Il arrive que l’on choisisse le lieu où l’on vit, mais parfois ce sont les lieux qui vous choisissent. Un voyage par la pensée sur les terres de l’enfance.
Après une première vie pleine de chiffres et de bilans, trente années de comptabilité dans la ville de Clermont-Ferrand, Cécile Ladevie a décidé de changer de vie et de se former à la cueillette des plantes : elle a commercialisé ses premières tisanes en 2019. Ce virage l’a conduite à reprendre les doux chemins de l’enfance. Aujourd’hui cette ancienne citadine habite à Rentières, un petit village juché à flanc de falaise qui domine une vallée escarpée, la vallée de Rentières, creusée par la Couze d’Ardes dans la bordure orientale du Cézallier. C’est là-haut, sur les monts recouverts de steppes herbeuses du Cézallier, que cette belle rivière prend sa source. Rentières, là où les parents de Cécile possédaient une résidence secondaire. Rentières, tout proche du village d’Ardes, un peu plus bas dans la vallée, où elle se rappelle les parties de pêche avec son grand-père paternel, dont la réputation de pêcheur de truite émérite était connue de tout le canton, et la cueillette des champignons. Rentières et sa petite église, dont un curé amoureux de botanique, l’abbé Vray, a fait peindre des fleurs sur les murs, il y a un siècle environ. Ce même curé qui aura quelques ennuis pour exercice illégal de la médecine : en janvier 1908, le syndicat des pharmaciens et celui des médecins lui tombent sur le dos et lui réclament mille francs de dommages et intérêts chacun. L’ecclésiastique avait eu le malheur d’avoir voulu soulager les maux de quelques-uns de ses fidèles à l’aide de plantes…
Le Cézallier est tout proche, il suffit de remonter la vallée de Rentières pour déboucher sur les hautes steppes. Cécile a l’impression d’y avoir passé toutes ses vacances scolaires, entre explorations en tout genre et parties de pêche. Elle y a même appris à faire du ski, dans la petite station de Parrot, quand il y avait encore des remontées mécaniques. Faute de neige en quantité suffisante, les remontées ont disparu, mais l’ancienne comptable y tient le poste d’accueil l’hiver (locations de raquettes et de vélos, informations pour les touristes), pour la commune d’Anzat-le-Luguet, en complément de son activité autour des plantes. Anzat-le-Luguet, village où Olympe, sa grand-mère maternelle, était boulangère. Cécile se rappelle qu’Olympe lui faisait souvent tremper les mains (les mains d’enfant, toujours affairées et écorchées quand l’enfant vit dans la nature le plus clair de ses journées) dans des décoctions dont elle avait le secret, à base de mauve et de pensée notamment, aux propriétés dépuratives. De cette aïeule savante des plantes, Cécile a gardé un ouvrage précieux, où elle trouve des idées pour utiliser les plantes qu’elle ramasse : « Nos grands savaient… », le bien nommé.
La vallée de Rentières fournit à cette cueilleuse l’essentiel des simples qu’elle affectionne : l’ail des ours, la sauge des prés, la consoude, le lierre terrestre, la reine des prés, l’ortie, l’aspérule odorante, la primevère élevée, l’origan, la mauve, l’achillée millefeuille, le sureau, le tilleur, l’aubépine… Cécile ne cueille que 25 espèces différentes, c’est peu. Il ne s’agit pas d’une course à la quantité, les chiffres elle a déjà donné, mais plutôt d’une recherche de qualité. Mais c’est dans le Cézallier que l’herboriste cueille une fleur qu’elle affectionne particulièrement : la pensée sauvage. Il y a d’abord le plaisir de la cueillette, au son des grillons et des alouettes. Pour cette femme éprise de nature, on l’aura compris, le lieu où elle récolte est tout aussi important que la plante. Et puis la pensée est l’éloge de la lenteur, il faut du temps pour la cueillir, on la ramasse fleur par fleur, délicatement. Elle est de plus riche en eau : 300 g de fleurs fraîches ne donneront que 30 g de matière sèche. C’est beaucoup moins que les autres plantes, si bien que presque personne ne la ramasse. La pensée est pourtant connue pour ses effets bénéfiques sur la peau : en plus des tisanes, Cécile confectionne des savons à partir d’huile solarisée, qui laisse la peau soyeuse comme un pétale, douce comme une peau d’enfant.
A consulter : accueillette.fr