WILLIAM, CUEILLEUR D’AIL
L’ail des ours est une plante à la mode et elle bénéficie d’un réel engouement depuis quelques années, pour autant sa cueillette n’est pas sans danger.
Je rencontre William début mai au bord de la Couze Pavin, non loin de l’endroit où j’ai vu Amran ramasser de l’arum, il y a quelques jours. Il fait partie de ces cueilleurs qui viennent chercher ici de l’ail des ours. Cette plante printanière recouvre le sol de la ripisylve en de grands massifs continus, qu’on ne peut guère louper à cette époque de l’année. Les fleurs blanches de l’ail des ours sont regroupées en une inflorescence légère, transparente, presque aérienne. Leur parfum est très agréable, un subtil parfum de lys (l’ail des ours, tout comme le muguet et les lys, appartiennent à la même famille botanique, celles des amaryllidacées). Rien à voir avec l’odeur d’ail des feuilles, forte et tenace, qui envahie littéralement le sous-bois. La plupart des cueilleurs ramasse quelques feuilles, de quoi agrémenter et relever une ou deux salades (avec parcimonie, car le goût d’ail des feuilles est très prononcé), certains sont un peu plus ambitieux et envisagent de préparer du pesto. On m’a même déjà parlé de la préparation de pickles, que l’on confectionne avec les boutons floraux cueillis juste avant qu’ils ne s’ouvrent. William, lui, a des objectifs plus élevés. Systématique et méticuleux, il coupe l’ail à ras, à l’aide d’un couteau bien aiguisé, dessinant de larges bandes géométriques au sol, sur lequel il rejette les fleurs. Ce sont les feuilles qui l’intéressent, il en ramasse de grandes quantités : il a collecté 200 kg environ, en trois jours. Cela lui permet de compléter ses revenus : il les vend à un grossiste, qui envoie les récoltes à Rungis. Là, c’est le monde de la restauration qui sera la clientèle visée. Assis sur un petit seau retourné, pour préserver son dos, il est très concentré, au point de ne pas me remarquer quand je repasse près de lui, un peu plus tard après, avoir fait son portrait en photo. Je ne le reverrai plus, ni les jours d’après, ni même l’année suivante.
Il a pris soin de ne pas piétiner exagérément les lieux, en passant et repassant toujours sur le même chemin. L’ail des ours est une espèce qui recherche un sol profond, riche en humus, et le compactage du sol par le piétinement le fait disparaître. Par ailleurs, je constate qu’il a appliqué une règle tacite qui circule chez les cueilleurs et qui préconise de ne pas prélever plus du tiers des plantes d’une station (en botanique, une station est un site où pousse une plante), afin de laisser des plantes capables de mener à terme leur cycle de vie. Pour l’ail des ours, c’est primordial : la plante peut paraître si abondante de prime abord dans certains lieux que la question de la pérennité de la ressource peut sembler incongrue. Pourtant, l’espèce suscite ces dernières année un engouement tout à fait inédit au point que les prélèvements se sont nettement accentués. Ceci soulève d’autres problèmes que la (difficile) gestion de la ressource, comme celui de l’intoxication. Selon l’Agence nationale de Sécurité sanitaire (ANSES) et le réseau des Centres antipoison, parmi les plantes les plus fréquemment à l’origine d’intoxications graves durant la période 2012-2018 figurent en première place les plantes à bulbe (12 ), les bulbes étant confondus avec ceux d’espèces domestiques (oignons, ail, échalote…), mais aussi l’arum (7 ) et le colchique (3 %). Les feuilles du colchique peuvent être facilement confondues avec celle de l’ail des ours par un cueilleur peu averti (il en est de même pour celles du muguet…), tandis que l’arum pousse en même temps et aux mêmes endroits que l’ail, notamment ici, au bord de la Couze Pavin. Prudence.
L’ail des ours est une plante à la mode et elle bénéficie d’un réel engouement depuis quelques années, pour autant sa cueillette n’est pas sans danger.
Je rencontre William début mai au bord de la Couze Pavin, non loin de l’endroit où j’ai vu Amran ramasser de l’arum, il y a quelques jours. Il fait partie de ces cueilleurs qui viennent chercher ici de l’ail des ours. Cette plante printanière recouvre le sol de la ripisylve en de grands massifs continus, qu’on ne peut guère louper à cette époque de l’année. Les fleurs blanches de l’ail des ours sont regroupées en une inflorescence légère, transparente, presque aérienne. Leur parfum est très agréable, un subtil parfum de lys (l’ail des ours, tout comme le muguet et les lys, appartiennent à la même famille botanique, celles des amaryllidacées). Rien à voir avec l’odeur d’ail des feuilles, forte et tenace, qui envahie littéralement le sous-bois. La plupart des cueilleurs ramasse quelques feuilles, de quoi agrémenter et relever une ou deux salades (avec parcimonie, car le goût d’ail des feuilles est très prononcé), certains sont un peu plus ambitieux et envisagent de préparer du pesto. On m’a même déjà parlé de la préparation de pickles, que l’on confectionne avec les boutons floraux cueillis juste avant qu’ils ne s’ouvrent. William, lui, a des objectifs plus élevés. Systématique et méticuleux, il coupe l’ail à ras, à l’aide d’un couteau bien aiguisé, dessinant de larges bandes géométriques au sol, sur lequel il rejette les fleurs. Ce sont les feuilles qui l’intéressent, il en ramasse de grandes quantités : il a collecté 200 kg environ, en trois jours. Cela lui permet de compléter ses revenus : il les vend à un grossiste, qui envoie les récoltes à Rungis. Là, c’est le monde de la restauration qui sera la clientèle visée. Assis sur un petit seau retourné, pour préserver son dos, il est très concentré, au point de ne pas me remarquer quand je repasse près de lui, un peu plus tard après, avoir fait son portrait en photo. Je ne le reverrai plus, ni les jours d’après, ni même l’année suivante.
Il a pris soin de ne pas piétiner exagérément les lieux, en passant et repassant toujours sur le même chemin. L’ail des ours est une espèce qui recherche un sol profond, riche en humus, et le compactage du sol par le piétinement le fait disparaître. Par ailleurs, je constate qu’il a appliqué une règle tacite qui circule chez les cueilleurs et qui préconise de ne pas prélever plus du tiers des plantes d’une station (en botanique, une station est un site où pousse une plante), afin de laisser des plantes capables de mener à terme leur cycle de vie. Pour l’ail des ours, c’est primordial : la plante peut paraître si abondante de prime abord dans certains lieux que la question de la pérennité de la ressource peut sembler incongrue. Pourtant, l’espèce suscite ces dernières année un engouement tout à fait inédit au point que les prélèvements se sont nettement accentués. Ceci soulève d’autres problèmes que la (difficile) gestion de la ressource, comme celui de l’intoxication. Selon l’Agence nationale de Sécurité sanitaire (ANSES) et le réseau des Centres antipoison, parmi les plantes les plus fréquemment à l’origine d’intoxications graves durant la période 2012-2018 figurent en première place les plantes à bulbe (12 ), les bulbes étant confondus avec ceux d’espèces domestiques (oignons, ail, échalote…), mais aussi l’arum (7 ) et le colchique (3 %). Les feuilles du colchique peuvent être facilement confondues avec celle de l’ail des ours par un cueilleur peu averti (il en est de même pour celles du muguet…), tandis que l’arum pousse en même temps et aux mêmes endroits que l’ail, notamment ici, au bord de la Couze Pavin. Prudence.